Red's Dream
C'est un moment que John Lasseter n'est pas prêts d'oublier. Nous sommes en 1987, le jeune homme organise un cours sur l'animation de personnages par ordinateur pour une conférence du SIGGRAPH à Anaheim, en Californie, et a invité pour l'occasion ses anciens mentors des studios Disney, Frank Thomas et Ollie Johnston, à participer. Plus tôt dans l'après-midi, Thomas et Johnston parlèrents aux personnes présentes dans la salle de leurs expériences au cours de l'«âge d'or» de l'animation. Les deux vétérans soulignèrent que l'animation par ordinateur arriverait à atteindre le niveau de maturité de l'animation traditionnelle en réussisant à susciter de l'émotion et de l'empathie pour ses personnages.
Dans le cadre de son exposé, Lasseter projeta le second court métrage Pixar récemment terminé, Red's Dream. Après avoir conclu sa présentation, Thomas et Johnston se levèrent et se précipitèrent sur lui, avides de serrer la main du jeune homme. "Vous l'avez! Vous avez réussi à mettre de l'empathie dans vos personnages!" ont-ils exclamé. "Ils étaient si excités", se rappela plus tard Lasseter.
Comme c'était déjà le cas dans Luxo Jr. , Lasseter a réussi à exprimer de l'émotion à travers un objet inanimé (ici un monocycle). Toutefois, la star technologique que de ce nouveau film n'est pas l'objet inanimé, mais le clown qui monte sur le monocycle. Ce fut la première tentative du studio d'animation faciale d'un personnage organique.
Lasseter insiste sur le fait que l'une des clés de la crédibilité dans tout film d'animation est l'utilisation de formes organiques. Le clown, qui a été surnommé "Lumpy" par l'équipe, a été une avancée significative dans cette direction. Créer ce clown a été un véritable défi pour la jeune équipe de Pixar. Le plus difficile fut de trouver un moyen pour modéliser le visage du personnage. Quelqu'un suggéra tout d'abord de sculpter la tête du clown dans de l'argile. «Ainsi, Eben pourrait enregistrer les données point par point», se souvient Lasseter.
L'outil qui permit cette nouvelle façon de faire s'appel un digitaliseur 3-D produit par Polhemus Navigation Science. L'équipe de Pixar avait déjà employé le digitaliseur sur le chevalier en "vitrail" pour le film Le Secret de la Pyramide (1985), qui est l'un des premiers exemples de personnages entièrement réalisé par ordinateur pour un long métrage. Maintenant Lasseter peut sculpter une tête de clown, dessiner les grilles au-dessus de lui, et lentement, faites glisser le stylet du digitaliseur comme un crayon sur la surface de l'objet pour enregistrer chaque point.
En plus d'être très inspiré, Lasseter arrive à réunir tous les talents qui l'entoure sur un seul et unique projet. Au SIGGRAPH 1986, Pixar avait présenté trois animations: Luxo Jr. et deux tests d'animation (Beach Chair, par Eben Ostby, et Flags and Waves, de Bill Reeves et Alain Fournier). Lasseter et son équipe se rendirent compte qu'ils pourraient accomplir davantage en combinant leurs talents dans un seul projet. Comme de nombreux pionniers de l'animation avant eux, ils utilisèrent ce qu'il avait à portée de main. Bill Reeves a étudié les systèmes de particules et de pluie. Pour rendre son projet plus amusant, il a construit une ville et a tenté de définir et créer une atmosphère de nuit, avec de la pluie et de lampadaires se reflètant dans les flaques d'eau. Dans le même temps, Ostby, qui était un passionné de vélo, travailla sur un modèle complexe de bicyclette.
Lasseter combina ces éléments avec son propre désir de créer un personnage organique, ce qui donna Red's Dream. Dans la séquence du rêve, le clown est écarté par le talentueux monocycle. C'est lui qui termine la performance et reçoit l'adulation de la foule. Quand le rêve est terminé, le monocycle se trouve dans le coin de la boutique, tout seul. Lasseter a résisté aux suggestions de donner une fin heureuse au film. Au contraire, le film se termine sur cette note triste. Lasseter dit plus tard que les fins triste font un carton en Europe. Et en effet, en 1988, Red's Dream remporta le plus grand prix européen descerné à l'animation, le Prix Ars Electronica.
En plus de sa fin étonnante, Red's Dream se distingue par sa séquence du rêve, qui est la seule œuvre créée par le groupe d'animateur qui soit entièrement réalisé avec le produit phare de l'entreprise, le Pixar Image Computer. Ed Catmull voulait que Red's Dream soit une vitrine des puissantes capacités techniques de ce type de matériel. A cette époque la société ne savait pas si elle serait finalement connu pour son matériel informatique ou pour la fantaisie de ses créations animées. L'Art et l'imagination prirent finalement le dessus sur la technologie...
Storyboards de John Lasseter :
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