Aladdin
31ème long métrage des Walt Disney Animation Studios, Aladdin est la troisième réalisation du duo John Musker/Ron Clements après Basil, Détective Privé et La Petite Sirène. Le film est inspiré d'un des célèbres contes des Mille et Une Nuits, un ensemble d'histoires orales rassemblées vers l'an 1000 ap. J.C. En 1704, Antoine Galland écrit une adaptation des Mille et Une Nuits en langue française, c'est le texte que l'on connaît aujourd'hui. Comme souvent, la version Disney d'Aladdin s'éloigne grandement de l'histoire originale. Dans le livre le tapis n'existe pas, il fut inventé par la production pour aider Aladdin lors de sa sortie de la grotte. Jafar est également bien moins machiavélique dans le conte original, ce n'est d'ailleurs pas lui qu'il veut voir épousé avec la princesse mais son fils. Aladdin a des parents, son père meurt et il reste avec sa mère. Au début de la production la mère d'Aladdin devait être présente mais elle fut supprimé par la suite. Elle y jouait le rôle de médiatrice entre Aladdin et le Palais. Enfin dans l'histoire originale le génie donne à Aladdin un nombre infini de souhait, Disney a préféré limiter ce nombre à trois.
La création de la version Disney d'Aladdin débuta en 1990. Un an plus tôt, La Petite Sirène fut un énorme succès populaire et remit au goût du jour le cinéma d'animation, alors tombé dans l'oubli depuis plusieurs années. Après ce coup de génie, John Musker et Ron Clements réfléchirent à un nouveau projet, mais comment faire encore mieux que leur dernier film... Au départ la direction des studios leur proposa de réaliser La Belle et la Bête, mais aussi étrange que cela puisse paraître, ils refusèrent! En effet les deux compères sortaient tout juste de plusieurs années de travail acharné et ne se sentirent pas de taille à repasser tout de suite à la réalisation sans quelques semaines de repos. C'est le regretté Howard Ashman et Alan Menken qui leur proposèrent le projet Aladdin quelques mois plus tard. Les deux compositeurs avaient travaillé sur quelques chansons orientales inspirées du conte original deux ans plus tôt. A l'époque la direction refusa de développer leur projet, préférant se concentrer sur La Belle et la Bête. Howard écrivit tout de même une première version du script qui enchanta John Musker et Ron Clements. Les deux réalisateurs s'intéressèrent au projet, puis finalement acceptèrent de le réaliser alors qu'ils étaient pressenti pour s'occuper d'un petit film sans prétention qui racontait l'histoire d'un jeune lion dans la savane...
Au mois de mars 1991, une première version du storyboards monté est projeté pour les dirigeants des studios, dont Jeffrey Katzenberg, le directeurs des studios (qui partira créer Dreamworks Animation avec Steven Spielberg quelques années plus tard). Ce dernier détesta cette première version du film et demanda aux deux réalisateurs de tout recommencer! John et Ron furent tout d'abord surpris puis effrayé par cette décision. En effet, la production de La Belle et la Bête était presque terminée et ils auraient bientôt toute l'équipe créative des studios à leur disposition pour Aladdin. Il fallait donc faire vite pour remettre sur pied un scénario plus solide.
Le gros changement entre les deux versions était la disparition de la mère d'Aladdin. Leur relation était un élément clé du film mais ralentissait trop le récit. Une chanson dut par ailleurs être supprimée en raison de ce remaniement, Proud of your Boy (que vous pouvez retrouver sur le DVD du film). Aladdin fut également vieilli de quelques années pour le rendre plus mature et charismatique. Le gros défi sur ce personnage était de le garder sympathique sans idéaliser son comportement de voleur, ce qui demanda énormément de réflexion. Son animation fut confié au virtuose Glen Keane, déjà responsable de l'animation d'Ariel sur La Petite Sirène, Marahute dans Bernard et Bianca au Pays des Kangourous. et la Bête sur La Belle et la Bête. Il fit de ce personnage un véritable voleur au cœur d'or. Souvent ennuyeux, les héros masculins de film d'animation Disney n'avaient jamais été mémorables. Pour la première fois avec Aladdin, le personnage masculin allait être exceptionnel. Glen Keane imagina tout d'abord le personnage comme petit et frêle. En effet il ne voulait pas tomber dans les stéréotypes du héros grand et fort. Jeffrey Katzenberg aima l'idée mais demanda tout de même à Glen de retravailler son personnage. L'une des raisons était que le design de Jasmine était déjà finalisé et n'allait pas avec celui d'Aladdin, beaucoup trop jeune. Celui-ci s'inspira alors de Tom Cruise, un des acteurs d'Hollywood les plus en vogue de l'époque. Le résultat fut surprenant et apprécié de tous.
Jasmine fut confiée à Mark Henn, le spécialiste des personnages féminins du studio. Il travailla par exemple aux côtés de Glen Keane sur le personnage d'Ariel puis sur le personnage de Belle pour La Belle et la Bête. Mark fit de Jasmine un personnage sexy et moderne, loin des stéréotypes des femmes orientales. Par la suite on le retrouvera sur l'animation de Mulan et plus récemment de Tiana pour La Princesse et la Grenouille.
Le génie fut confié à Eric Goldberg, qui fit par la même occasion ses premiers pas aux studios. Tout droit débarqué d'Angleterre où il avait crée son propre studio d'animation pour le marché publicitaire, Pizzaz Studios, Eric Goldberg fut un élément important dans la réalisation d'Aladdin. Son caractère décalé et son humour l'influencèrent fortement pour le personnage du génie, ce qui permit à la production de prendre un nouveau tournant, plus comique et débridée. D'un point de vue graphique, Eric s'inspira pour son personnage du célèbre caricaturiste Al Hirschfeld, amateur de lignes courbes épurées. En tant que grand fan d'Hirschfeld, Eric Goldberg s'inspira à nouveau du travail de l'artiste quelques années plus tard pour Rhapsody in Blue, une séquence de Fantasia 2000 qu'il réalisa.
Le machiavélique Jafar fut confié au talentueux Andreas Deja, déjà responsable de l'animation de Gaston sur La Belle et la Bête.
Graphiquement parlant, deux artistes inspirèrent fortement le style d'Aladdin : Hans Bacher et Francis Glebas. Le premier pour ses croquis colorés et fouillés donnant l'impression d'une oasis dans le désert, le second principalement pour la séquence de la chanson A Whole New World qu'il storyboarda et développa. Visuellement le film se veut également très cartoon, avec des bâtiments très déformés et tout en rondeurs, dans le but de rendre plus imaginaire le royaume d'Agrabah.
Aladdin est sorti dans les salles américaines le 11 novembre 1992. Après l'énorme succès de La Belle et la Bête un an plus tôt (qui fut le seul film d'animation de l'histoire des studios a être nommé pour l'Oscar du meilleur film), les dirigeants n'en attendaient pas autant d'Aladdin, en effet comment faire mieux que les 145 millions de dollars de la Bête ? Et pourtant, à la surprise générale le film dépassa les recettes de ce dernier ! Avec un budget estimé à 28 millions de dollars, Aladdin en rapporta 217 millions sur le seul sol américain (504 millions en tout), soit près de dix fois plus ! Fort de ce succès, Michael Eisner décida de mettre immédiatement en chantier une suite destinée au marché de la vidéo. Le Retour de Jafar, sorti en 1994, fut ainsi la toute première suite d'un long métrage des Walt Disney Animation Studios à sortir directement en vidéo, la première d'une longue liste de suites de piètres qualité, mais ceci est une autre histoire...
Recherches graphiques d'Hans Bacher :
Autres recherches graphiques :
Storyboards de Francis Glebas :