13ème long métrage des Pixar Animation Studios, Brave (Rebelle) est réalisé par Brenda Chapman et Mark Andrews. Le film eut la lourde tâche de redorer le blason des studios, après le très controversé Cars 2, sorti un an plus tôt. Rebelle a plusieurs particularités, comme celle d'être le premier Pixar à avoir un personnage féminin comme héroïne. C'est également la première fois où l'action se déroule dans un environnement réaliste, avec un contexte historique en toile de fond. Enfin, il s'agit du tout premier long métrage Pixar à avoir été entièrement produit après le rachat de Pixar par Disney en 2006.
Brenda Chapman et Mark Andrews, les deux réalisateurs de Rebelle.
Le projet naît dans l'esprit de Brenda Chapman en 2004. Alors maman d'une petite fille de 4 ans au caractère bien trempé, la réalisatrice a commencé à imaginer ce que donnerait un conte de fées avec une mère active, qui a un poste important, et une fille vraiment obstinée dont on ne veut pas étouffer la force de caractère - même si l’on y est parfois contraint quand même. Passionnée par l'Écosse, c'est donc tout naturellement que Brenda Chapman transposa cette histoire dans les highlands, terre de mystère et de magie.
Née et élevée dans l’Illinois, Brenda Chapman fit ses études au California Institute of the Arts (CalArts). Elle entama sa carrière dans le storyboard et la réalisation aux Walt Disney Animaion Studios, où elle travailla comme storyboarder sur plusieurs films d’animation parmi lesquels La Petite Sirène, Bernard et Bianca au Pays des Kangourous, La Belle et la Bête, Le Bossu de Notre-Dame et Fantasia 2000. C'est sur Le Roi Lion, projet où elle fut surperviseuse du storyboard, que son influence se fit le plus sentir. Après près de huit années chez Disney, elle contribua à lancer DreamWorks Animation, aux côtés de Jeffrey Katzenberg, ancien numéro deux de Disney. Elle y réalisa Le Prince d'Egypte sorti en 1998. C’était la première fois qu’une femme réalisait un long métrage d’animation pour un gros studio hollywoodien. Elle fut par la suite consultante à la réalisation, à l’histoire et au storyboard de plusieurs projets en développement chez DreamWorks Animation, Universal Studios et Sony Pictures Animation. Brenda Chapman rejoignit les équipes des Pixar Animation Studios en septembre 2003 comme storyboarder senior sur Cars - Quatre Roues avant de passer réalisatrice sur The Bear and the Bow (premier titre de Rebelle). Le projet lui fut finalement retiré, en raison de gros soucis de scénario, et fut alors confié à Mark Andrews.
L'équipe artistique du film fit deux séjours en Écosse afin d'étudier en détails ses somptueux paysages.
Mark Andrews est entré chez Pixar Animation Studios en décembre 2000 et a travaillé sur quatre des longs métrages du studio. Il a été superviseur du storyboard sur Les Indestructibles et Ratatouille et storyboarder sur Cars - Quatre Roues. Il a également contribué à l’histoire de Toy Story 3. En plus de son travail sur les longs métrages Pixar, Mark Andrews a coécrit et coréalisé le court métrage L’homme-orchestre. Mark Andrews a par ailleurs travaillé sur le films Disney en prises de vues réelles John Carter, comme réalisateur de la deuxième équipe et coscénariste aux côtés d’Andrew Stanton, réalisateur du film et son collègue chez Pixar.
Avant d’entrer chez Pixar, Mark Andrews a vécu à Los Angeles et a été storyboarder sur plusieurs films d’animation. Pour son travail sur Le Géant de Fer de Brad Bird, il a reçu un Annie Award de l’ASIFA-Hollywood du meilleur storyboard pour un long métrage d’animation. Il a aussi été artiste storyboard sur plusieurs séries animées pour la télévision, dont The Real Adventures of Jonny Quest et Star Wars : Clone Wars. Il a obtenu un Emmy pour son travail sur cette dernière. Il a aussi travaillé sur la série primée Samurai Jack. Mark Andrews a également été storyboarder sur le blockbuster en prises de vues réelles de Sony, Spider-Man, réalisé par Sam Raimi. Mark Andrews a décroché sa licence de cinéma du California Institute of the Arts (CalArts) en 1993. Il vit dans la baie de San Francisco avec sa femme et leurs enfants.
Mark Andrews partage la passion de Brenda Chapman pour l’Écosse. Le réalisateur, qui se dit lui-même historien amateur fasciné par tout ce qui touche à l’Écosse, y a passé sa lune de miel. Il y est retourné avec Brenda Chapman en 2006, comme simple consultant non officiel, lors du voyage d'étude précédent la production de Rebelle.
Le chef décorateur Steve Pilcher et une partie de l'équipe créative en pleine réunion de travail.
Pour créer l’histoire de Rebelle, les cinéastes ont utilisé des éléments écossais historiques et traditionnels afin de bâtir leurs propres légendes. L’ours diabolique baptisé Mor’du, le rassemblement et l’unité des clans, le rôle mystique des feux follets et la mystérieuse sorcière capable de provoquer le changement, tous ces éléments prennent racine dans la réalité et dans la mythologie.
Brian Larsen raconte : « Lorsque nous avons visité l’Écosse pour nos recherches, nous avons rencontré des conteurs et des historiens extraordinaires qui ont eu une grande influence sur nous. La culture orale est très importante en Écosse : où que nous allions, les gens du coin nous racontaient leur vie quotidienne et celle des gens qu’ils connaissaient. L’histoire de Mor’du a été inspirée des contes que nous avons entendus là-bas. » Les cinéastes ont insufflé à l’histoire le folklore et la magie dont ils se sont imprégnés sur place. Le chef décorateur Steve Pilcher déclare : « Un soupçon de magie renforce le ton mystique du film. Le film donne une impression de magie sans faire appel à la magie proprement dite : nous avons ajouté du lichen sur les pierres levées ou des gouttes de rosée sur l’herbe - cela capte la lumière et scintille. Nous avons créé un univers fantastique à partir d’éléments naturels, cela correspond parfaitement à cette histoire et à son cadre. »
Andrews ajoute : « Les feux follets sont présents dans de nombreux contes du folklore écossais. On raconte qu’ils vous conduisent vers un trésor ou vers la mort - pour changer votre destin - mais c’est en fait un phénomène gazeux naturel : en s’échappant des marécages et des marais, le gaz s’enflamme spontanément à l’air libre sous forme de petites flammes bleues. Les gens suivaient ces lueurs en pensant qu’il s’agissait de fées, et en gros se noyaient ou s’embourbaient dans les marécages. Nous avons donc fait des feux follets de véritables petits esprits. »
Dès que Steve Pilcher a eu ces instructions, le dessin des feux follets a pris forme. Il explique : « Nous aimions l’effet du bleu saphir dans cet environnement naturel, car il n’y a rien de tel dans le reste du film. Cette couleur est la partie la plus chaude d’une flamme, et pourtant elle a l’air d’être froide. Cette contradiction est intrigante et a donc quelque chose de magique. On a envie de la toucher, de la suivre, mais en même temps on a un peu peur. » Mark Andrews continue : « Les feux follets sont, d’une certaine manière, comme le fantôme de Marley dans « Un chant de Noël », le conte de Dickens, car Marley n’est pas un esprit maléfique - même s’il fait peur, il tente de faire changer Ebenezer de comportement. C’est ce que font les feux follets. Il y a une dualité en eux, car ils sont soit bons soit mauvais - ils causent de plus en plus de difficultés à Merida, mais en fin de compte, ils la conduisent exactement où elle a besoin d’aller. »
La directrice artistique shaders Tia Kratter et l'équipe simulation en plein test de rendu tissu.
En 26 ans et douze longs métrages consécutifs, les Pixar Animation Studios ont mis la barre très haut dans le domaine de l’animation par ordinateur, s’imposant comme les maîtres dans l’art de raconter des histoires et de les porter à l’écran.
Mark Andrews déclare : « Dans Rebelle, nous avons repoussé nos limites en termes de cinématographie, d’éclairage et de photographie. Nous avons trouvé de nouveaux moyens de créer de la texture et avons atteint un niveau inégalé avec les personnages humains. Le film est d’une subtilité sans précédent dans son interprétation. » Sous l’égide des superviseurs d’animation Alan Barillaro et Steven Hunter, avec le solide soutien des directeurs d’animation Kureha Yokoo et David DeVan, et grâce à une équipe de plus de 80 animateurs, les interprétations font un bond en avant en termes de nuance, de crédibilité et d’enthousiasme.
Afin de se préparer pour cette mission, l’équipe d’animation s’est exercée au combat à l’épée, a pris des leçons de tir à l’arc, a porté des kilts, est montée à cheval, a visité un zoo, a assisté à des conférences données par un expert des accents écossais, a étudié des films classiques et contemporains se déroulant en Écosse, et a visionné des documentaires animaliers sur les ours et les chevaux. Le réalisateur Mark Andrews lui-même a donné des leçons de maniement de l’épée deux fois par semaine. L’examen quotidien du travail réalisé sur l’animation s’achevait souvent par une invitation à empoigner une épée et à effectuer tout le déroulé d’un plan mouvement par mouvement.
Alan Barillaro rapporte : « C’est la production la plus difficile que j’aie connue en tant qu’animateur. Chaque personnage est très complexe, et nous voulions atteindre une certaine crédibilité nécessaire à l’histoire. Même si les graphismes sont caricaturés, on a envie d’y croire, de ressentir le danger. Ce film atteint un niveau d’interaction entre les personnages et la nature qui n’a jamais été tenté auparavant. Avec un environnement aussi luxuriant, nous savions qu’il fallait que les personnages interagissent avec tout ce qui les entourait. C’est un univers tactile, et nous nous sommes totalement lâchés. » À chaque étape du processus, l’équipe d’animation a travaillé en étroite collaboration avec les créateurs et dessinateurs des personnages, les modeleurs et les riggers chargés du squelette d’animation, ainsi qu’avec les artistes simulation. Chacun a apporté sa contribution pour s’assurer de mettre au point l’éventail de mouvements et d’émotions nécessaires aux personnages afin de donner vie à l’histoire dynamique du film.
Tia Kratter a réalisé de nombreux costumes du film en vrai afin de mieux les simuler par la suite.
L’un des plus grands défis de Rebelle a été de créer une garde-robe qui reflète les tenues de l’Écosse d’autrefois et leurs textures. Mais la galerie de personnages du film avait des besoins qui n’avaient jamais été traités par l’animation par ordinateur. Katherine Sarafian commente : « Dans Monstres & Cie, Boo porte un tee-shirt et des leggings. Et la mère d’Andy est vêtue d’un pantalon moulant dans Toy Story 2. C’est tout ce dont on était capable à l’époque. Dans Rebelle, le roi Fergus superpose huit couches de vêtements : cotte de mailles, armure, un kilt qui compte plusieurs couches de tissu enroulées, une ceinture, un fourreau pour son épée et même une cape en fourrure d’ours. Merida doit pouvoir monter à cheval avec sa robe tout en tirant à l’arc. Tout cela doit être programmé dans l’ordinateur afin que chaque épaisseur bouge comme il se doit et interagisse avec les autres vêtements. Notre équipe s’en est pourtant sortie grâce à une nouvelle technologie, un nouveau logiciel et des artistes incroyables. » La création de costumes dans l’animation est étonnamment similaire à la création de costumes pour les prises de vues réelles, sauf que le patron, la coupe, la confection et la couture sont tous réalisés par ordinateur. Pour chaque style, on commence par faire une série de croquis dictés par l’histoire - la personnalité du personnage, son statut social, son rôle dans la scène, ainsi que d’autres détails, sont pris en compte dans l’élaboration d’une tenue. Fergus est un guerrier qui a des comptes à régler avec l’ours qui lui a coûté sa jambe : la cotte de mailles, l’armure et la cape de fourrure conviennent donc non seulement à son personnage, mais permettent également de souligner sa personnalité. Katherine Sarafian explique : « Dans Rebelle, les vêtements sont très importants pour vraiment définir les personnages et transmettre l’atmosphère de l’Écosse. Nous voulions qu’ils reflètent la texture accidentée de la terre et les multiples épaisseurs qu’on superposait couramment à l’époque. »
Autre défi de taille, retranscrire de mannière très réaliste la chevelure bouclée de Merida. Le superviseur technique Bill Wise l’admet : « Les cheveux, c’est difficile. Mais les cheveux bouclés, c’est encore plus compliqué. Cela pose un problème de simulation complexe. Quand j’ai travaillé sur Les Indestructibles, les longs cheveux raides de Violet étaient le plus gros problème capillaire du film. À l’époque, personne n’avait jamais rien fait de tel dans le domaine de l’animation par ordinateur, mais nous y sommes arrivés. Lorsque j’ai commencé à travailler sur Rebelle, on pensait qu’un programme de simulation ne pouvait pas traiter des cheveux bouclés et conserver leur volume. Les réalisateurs voulaient que les boucles bougent et interagissent entre elles d’une manière semi-réaliste, tout en conservant le volume global. Les cheveux ne doivent pas avoir l’air de ressorts. Il faut qu’ils s’étirent et gardent du corps. Nous avons dû écrire un simulateur cheveux entièrement nouveau. »
Mark Andrews et Patrick Doyle accompagné par quelques joueurs de cornemuse - Birdy avec le groupe Mumford & Sons.
La musique de Rebelle a été composé par Patrick Doyle. Natif d’Écosse, il a insufflé sa passion et son enthousiasme pour son pays natal au projet, et cela se reflète dans la musique audacieuse et évocatrice du film. Le compositeur a utilisé divers instruments écossais typiques comme la cornemuse, le violon, la harpe celtique, la flûte et le bodhrán. Afin d’apporter une touche contemporaine et novatrice, il a intégré des sons électroniques originaux et retravaillé les sonorités d’instruments comme le dulcimer ou le cymbalum.
Deux chansons originales, interprétées par la très réputée chanteuse écossaise de langue gaélique Julie Fowlis, viennent s’ajouter aux moments musicaux forts du film : Touch the Sky, dont la musique est signée par Alex Mandel de chez Pixar, et les paroles par le réalisateur Mark Andrews et Alex Mandel, qui accompagne la chevauchée libératrice et enivrante de Merida à travers la forêt lorsqu’elle réussit à échapper aux contraintes de la vie au château; et Into the Open Air, dont Alex Mandel a écrit la musique et les paroles, qu’on entend plus tard dans le film à l’occasion d’un moment privilégié entre Elinor et Merida. Les deux chansons ont été écrites en interne chez Pixar mais n’étaient supposées être que temporaires à l’origine. La productrice Katherine Sarafian rapporte : « Nous aimons collaborer avec des artistes de la maison. Ils travaillent aux côtés de l’équipe chargée du storyboard, ils connaissent le but de l’histoire et peuvent collaborer avec le réalisateur tout au long du processus afin de donner un sens à une chanson de façon unique. Nous avons été ravis que les chansons d’Alex Mandel correspondent finalement exactement à ce dont nous avions besoin pour le film. »
Learn Me Right est une chanson originale interprétée par Birdy et le groupe de folk rock britannique Mumford & Sons, qui a également écrit, arrangé et produit le morceau. Mark Andrews déclare : « J’ai beaucoup apprécié l’énergie que Mumford & Sons a apporté au film. Ils voulaient conserver l’esprit de notre héroïne, ils ont donc fait appel à la jeune chanteuse Birdy. Cela a donné une chanson dynamique et poétique qui résume bien la morale de l’histoire : « Nous serons ce que nous serons et tout ira bien ». C’est dit d’une manière énergique et vraiment très belle. »
Avant-première mondiale au Dolby Theatre de Los Angeles, le 18 juin 2012.
Rebelle sortit dans les salles de cinéma américaines le 22 juin 2012. Malgré un succès commerciale indéniable (le film rapporta 236M$ rien qu'aux US), la presse lui reprocha un trop grand classicisme dans son scénario et un manque de prise de risque. Après un Cars 2 vite oublié, Rebelle permet aux studios Pixar de remonter doucement la pente, mais ne leur font pas retrouver leur génie d'entan... Malgré cela, Rebelle remporta l'Oscar et le Golden Globe 2013 du Meilleur Film d'Animation.
Recherches de Steve Pilcher :
Recherches de Noah Klocek :
Recherches de Matt Nolte :