12 septembre 2010
Le Livre de la Jungle
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19ème long métrage des Walt Disney Animation Studios, The Jungle Book (Le Livre de la Jungle) est un film important dans l'histoire des studios. En effet il s'agit du tout dernier long métrage d'animation auquel a participé Walt Disney. Bien que le film soit sorti dix mois après sa disparition, ce dernier marqua de son emprunte l'ensemble de la production. Depuis l'échec financier de La Belle au Bois Dormant en 1959 (le film avait coûté la coquette somme de six millions de dollars, un record pour l'époque, difficilement renfloué), Walt Disney s'était quelque peu désintéressé de l'animation, pensant en avoir fait le tour après près de quarante années passées dans le métier. L'homme était ainsi pris par d'autres gros projets comme son tout nouveau parc à thème Disneyland, ses émissions TV ou bien ses séries à succès. Néanmoins le projet d'adaptation du célèbre livre de Rudyard Kipling, Le Livre de la Jungle, titilla à nouveau sa curiosité et l'incita à s'investir comme jamais dans ce projet qui, il ne le sait pas encore, sera son dernier...
Rudyard Kipling Bill Peet storyboard de la première version du film par Bill Peet
Rudyard Kipling est naît le 30 décembre 1865 à Bombay de parents anglais fraîchement débarqués en Inde. Son père, sculpteur et professeur exerçait à la Jejeebhoy School of Art de Bombay. Son prénom provient du lac Rudyard, situé dans la région anglaise du Staffordshire, d'où étaient originaire ses parents. Kipling quitte l'Inde à l'âge de six ans, comme le veut la tradition anglo-indienne, pour rejoindre une pension en Angleterre où il suivra une éducation britannique traditionnelle. Après être passé par une école de préparation militaire, il revient en Inde en 1882, après s'être vu refusé sa demande de bourse pour entrer à Oxford. Il se consacre alors à l'écriture de nouvelles. En 1889, il quitte à nouveau l'Inde pour débuter un long voyage en Amérique du Nord, avant de finalement revenir en Angleterre où il connaîtra ses premiers succès littéraires. En 1892, après un autre grand voyage dans l'hémisphère Sud, Rudyard Kipling revient à Londres pour épouser Carrie Balestier, sœur de son ami Wolctott Balestier décédé peu de temps avant, avec qui il s'installera un peu plus tard aux États-Unis, dans le Vermont. C'est à cette époque que Kipling écrivit Le Livre de la Jungle, puis Le Second Livre de la Jungle, publiés respectivement en 1894 et 1895. Le Livre de La Jungle était un recueil de nouvelles inspirées des nombreux séjours de l'auteur en Inde. Les trois histoires les plus connues étaient celles où l'on suivait les aventures de Mowgli, un "petit d'homme" élevé par des loups au milieu de la jungle. Après quatre années passées dans le Vermont, Rudyard Kipling regagne l'Angleterre en 1896 pour s'établir définitivement dans un village du Surrey. Il reçoit le prix Nobel de littérature en 1907. C'était le premier anglophone à recevoir ce prix, crée en 1901. Rudyard Kipling décède en 1936.
Storyboards de la première version du film par Bill Peet
Adapter Le Livre de la Jungle sur grand écran n'était pas une mince affaire. Pour preuve, un seul film fut réalisé en 1942 d'après le livre de Kipling, avant que Walt Disney ne s'y intéresse. Ce dernier confia l'adaptation du récit à Bill Peet, un des scénaristes les plus talentueux du studio. C'est d'ailleurs lui qui conseilla Walt Disney de se procurer les droits du livre de Kipling. Walt lui avait demandé sur quel projet il aimerait travailler après Les 101 Dalmatiens et Merlin l'Enchanteur. Bill Peet répondu Le Livre de la Jungle! Son argument principal était que l'histoire leur permettrai de développer d'excellents personnages animaux, dans la plus pure tradition des studios. C'est ainsi que Disney parti pour Paris accompagné de Bob Thomas (auteur de l'excellente biographie Walt Disney : Un Américain Original) pour rencontrer les héritiers de Rudyard Kipling afin de négocier les droits du Livre de la Jungle. Dès le retour de Disney, Bill Peet se mit au travail et passa les huit mois qui suivirent à lire et relire le livre de Kipling, écrire le premier scénario et dessiner le storyboard du film dans son intégralité. Malheureusement sa version du film ne verra jamais le jour, Bill Peet ayant quitté les studios après une mésentente avec Walt Disney.... Certains pensent que la raison de ce départ était que Bill Peet n'avait pas la même vision que Disney sur le film. Et en effet, les premières ébauches de l'artiste montraient un film plutôt sombre et sérieux, alors que Walt voulait tout le contraire. Bill Peet avait aussi une belle carrière d'illustrateur qui l'attendait à l'extérieur des studios Disney, il n'avait donc plus grand chose à perdre et écrivit le film qu'il voulait voir réaliser, sans se soucier de savoir s'il était proche ou non de l'esprit de Disney. Peet avait d'ailleurs prévu dès le début du projet de quitter les studios une fois le film terminé. Ce conflit ne fit qu'accélérer ses plans.
Al Dempster, Bill Layne et Art Riley - Ken Anderson, Wolfgang Reitherman et son équipe de superviseurs de l'animation
Le projet changea ainsi de main et fut confié à Wolfgang Reitherman qui devint le producteur et le réalisateur du film. C'était la troisième réalisation de l'artiste après Les 101 Dalmatiens et Merlin l'Enchanteur. La direction artistique du projet fut confié à Ken Anderson qui s'occupa de la création des personnages. Chose assez rare pour être souligné, les esquisses préparatoires de Ken furent très vite extrêmement proches du rendu final des personnages! Pour le scénario, Disney demanda à trois scénaristes, Ralph Wright, Vance Gerry et Larry Clemmons, de prendre le relais de Bill Peet dont le script fut purement et simplement mis de côté. Les consignes de Disney étaient les suivantes : "Ne lisez pas le livre, faisons le cœur du film, développons nos personnages, amusons-nous avec eux. Que le public soit ému du sort du gamin. Le début et la fin du film en découleront naturellement."
Le souci de Walt Disney de s'éloigner de l'œuvre de Kipling revient constamment dans les témoignages. L'un des compositeurs du film, Richard Sherman, se souvient des premières réunions de travail : "Le Livre de la Jungle était une commande sortant de l'ordinaire pour mon frère Robert et moi. Ça s'est fait à partir d'une réunion qu'on a eue avec Walt en 1965. Les gens parlaient d'un grand ramdam survenu quelques semaines plus tôt. J'ignorais qu'ils développaient un projet adapté du roman de Rudyard Kipling. Bill Peet était un grand scénariste, nous avions eu la chance de travailler avec lui sur Merlin l'Enchanteur. Sa version du Livre de la Jungle était très fidèle au livre, sombre et mystérieuse. Walt a finalement tranché : "Ce n'est pas du Disney. Ce n'est pas ce que je veux faire. Ce serait un désastre." C'était aussi simple que ça."
Ollie Johnston - Bill Layne - de g. à d. Ken Anderson, Frank Thomas, Wolfgang Reitherman, Milt Kahl et Larry Clemmons
Milt Kahl, considéré par Walt Disney comme le plus brillant de ses animateurs et le dessinateur le plus doué fut nommé superviseur de l'animation du film, une première dans sa longue carrière au studio. L'influence de l'artiste est manifeste dans chaque scène du film. Pour aider les animateurs, il créa les premiers plans de Mowgli, Bagheera, Kaa, le roi Louie, les quatre vautours, et assuma l'intégralité de l'animation de Sher Khan. Ollie Johnston s'occupa de la majorité des plans de Bagheera mais surtout de l'animation de Baloo. Voici ce qu'il dit sur la genèse du personnage : "Au début nous n'avions pas encore trouvé sa vraie personnalité. C'était un ours quelconque. Nous pensions qu'en faire un ours jaune - comme Winnie l'Ourson - lui conférait un aspect gentil. Walt n'était pas partisan de ce choix. Nous avons alors essayé un ours brun qu'il n'aimait pas non plus. "Pourquoi ne pas essayer un ours gris?" a-t-il dit. Nous l'avons testé et il a estimé qu'il s'intégrait mieux dans le décors de la jungle. Au départ il n'avait pas un rôle très important, c'est grâce à Phil Harris , (la voix originale du personnage) que Baloo prit son envol et qu'il trouva sa vraie personnalité."
Frank Thomas, l'éternel moitié d'Ollie Johnston s'occupa sans surprise d'animer Mowgli, le meilleur ami de Baloo. Il s'occupa également de la majorité des scènes du roi Louie et du serpent Kaa. Dans la première version du storyboard crée par Bill Peet, Kaa n'apparaissait qu'une seule fois, mais Walt Disney le trouva tellement irrésistible qu'il demanda à ses scénaristes de rajouter une séquence le mettant en scène avec Shere Khan.
Par soucis d'économie Wolfgang Reitherman demanda à ses animateurs de reprendre des scènes animées d'anciens films et de les modifier pour les intégrer au Livre de la Jungle. Ce procédé sera par la suite souvent utilisé durant la décennie suivante. Ainsi nous retrouvons dans le film des scènes de Le Crapaud et le Maître d'Ecole (la fuite de Baloo et Mowgli du repaire des singes), Merlin l'Enchanteur (Mowgli se faisant lécher par les loups) ou bien encore Les 101 Dalmatiens (l'animation des louveteaux).
Robert B. et Richard M. Sherman Phil Harris Sterling Holloway
Le Livre de la Jungle est sorti sur les écrans américains le 18 octobre 1967, dix mois après la mort de Walt Disney. Il devient très vite l'un des plus grands succès du studio. En France, le film reste encore à l'heure actuel le plus gros succès d'un film d'animation Disney au cinéma, si l'on compte ses ressorties. Il signe également la fin d'un âge d'or pour l'animation mondiale et le début d'une période de doute pour les artistes du studio Disney en manque de repères sans leur bon oncle Walt... Bien que très éloigné de l'œuvre originale de Kipling, Le Livre de la Jungle de Walt Disney est avant tout une histoire riche en amitié et en humour, certainement l'un des films les plus optimistes jamais réalisé de son vivant. Une œuvre intemporelle.
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Recherches de Ken Anderson :
Recherches de Milt Kahl :
Autres recherches :
27 octobre 2009
Bill Peet
Bill Peet est né à Grandview dans l'Indiana, le 29 jenvier 1915. D'une famille pauvre, il grandit à Indianapolis. Il commence très tôt à écrire des histoires en les illustrant, sans imaginer un jour vivre de cette passion. Pendant sa scolarité, il remporte un concours offrant une bourse d'étude au John Heron Art Institute d'Indianapolis. Sa vie bascule le premier jour de classe lorsqu'il fait la connaissance de Margaret Brunst, qu'il épouse quatre ans plus tard. A sa sortie de l'école en 1936, Peet débute sa carrière professionnelle en dessinant des cartes de vœux pour une entreprise située dans l'Ohio.
Dumbo (1941) Mélodie du Sud (1946) Cendrillon (1950)
Un jour, il découvre une brochure publicitaire incitant les jeunes artistes à rejoindre les studios Disney. Il propose sa candidature et reçoit une réponse favorable. Il se rend immédiatement à Los Angeles et se présente au studio d'Hyperion Avenue le 9 septembre 1937. Après un mois d'essai sous la direction de George Drake, il est engagé comme intervalliste sur les courts métrages de Mickey Mouse et Donald Duck, puis participe à quelques scènes de Blanche Neige et les Sept Nains.
En parallèle à son travail d'intervalliste, qui, comme d'autres artistes des studios, ne le passionne pas, il propose quelques idées de personnages pour le projet de Pinocchio (des monstres pour la séquence abandonnée de Bogyland). Un matin, il trouve sur son bureau une enveloppe contenant 25 dollars et l'informant de sa nouvelle affectation au département scénario.
Peter Pan (1953) La Belle au Bois Dormant (1959) Bill Peet vers 1964
Il fait son apprentissage pendant deux ans sur Pinocchio (il n'est pas crédité au générique), puis élabore le storyboard de La Symphonie Pastorale de Fantasia. C'est lors de la préparation de Dumbo que Walt Disney réalise que Bill Peet est un conteur hors norme. Il fait équipe avec Dick Huemer et Joe Grant, et se concentre plus particulièrement sur les séquences mettant en scène Dumbo bébé.
En 1941, Bill Peet participe à la grande grève des studios. Furieux, Walt Disney le rétrograde alors en tant que simple dessinateur de storyboard sous la direction de T. Hee pour le projet de Peter Pan. Mais Peet est l'un des premiers artistes à revenir aux studios avant la fin de la grève et Disney lui pardonne rapidement. Il devient alors le pilier du département storyboard et le scénariste préféré de Walt Disney, avec qui il partage le même don pour scénariser une histoire. Il dessine le storyboard de séquences entières pour Victory Through Air Power, Les Trois Caballeros, Mélodie du Sud, Cendrillon, Alice au Pays des Merveilles, Peter Pan, La Belle et le Clochard, La Belle au Bois Dormant et Le Livre de la Jungle.
Au début des années 1960, il dessine seul le storyboard complet de Les 101 Dalmatiens et Merlin l'Enchanteur, il en écrit l'adaptation, crée les principaux personnages et supervise l'enregistrement des voix des comédiens.
Bill Peet œuvra également aussi sur de nombreux courts métrages, comme Tigger Trouble de Jack Kinney (1945), Susie, the Little Blue Coupe de Clyde Geronimi (1952) ou bien encore Ben and Me d'Hamilton Luske (1953).
En 1959, il illustre son premier livre pour enfants Hubert's Hare-Raising Adventure. Il quitte les studios Disney en 1964, et se consacre pleinement à sa carrière d'auteur et illustrateur de livres pour enfants.
En 1989, il raconte sa vie et son expérience de dessinateur dans son autobiographie illustrée : Bill Peet, An Autobiography, publiée aux éditions Houghton Mifflin Company. En 1996, Bill Peet obtient le titre de Disney Legend pour ses trente années au services des Walt Disney Animation Studios. Il nous quittera quelques années plus tard, le 11 mai 2002.
Filmographie :
- Blanche Neige et les Sept Nains (1937) (intervalliste)
- Pinocchio (1940) (scénariste)
- Fantasia (1940) (storyboard)
- Dumbo (1941) (scénariste et storyboard)
- Les Trois Caballeros (1945) (scénariste)
- Tiger Trouble (1945) (scénariste)
- African Diary (1945) (scénariste)
- A Knight for a Day (1946) (scénariste)
- Mélodie du Sud (1946) (scénariste et storyboard)
- Mickey et le Haricot Magique (1947) (scénariste)
- Danny et le Petit Mouton Noir (1949) (scénariste)
- Cendrillon (1950) (scénariste et storyboard)
- Wonder Dog (1950) (scénariste)
- Alice au Pays des Merveilles (1951) (scénariste et storyboard)
- Lambert et le Lion Bêlant (1952) (scénariste)
- Susie, le Petit Coupé Bleu (1952) (histoire originale, adaptation et storyboard)
- La Petite Maison (1952) (adptation de l'histoire)
- Peter Pan (1953) (scénario et storyboard)
- Franklin et Moi (1953) (scénariste)
- La Belle et le Clochard (1955) (scénariste)
- The Truth About Mother Goose (1957) (scénariste)
- La Belle au Bois Dormant (1959) (scénariste)
- Goliath II (1960) (scénariste)
- Les 101 Dalmatiens (1961) (scénariste et storyboard)
- Merlin l'Enchanteur (1963) (scénariste et storyboard)
- Le Livre de la Jungle (1967) (scénariste et storyboard)
13 avril 2008
Merlin l'Enchanteur
18ème long métrage des Walt Disney Animation Studios, The Sword in the Stone (Merlin l'Enchanteur) reste dans la veine de son prédécesseur (Les 101 Dalmatiens), c'est à dire un film sans prétention, avec un budget réduit dût à l'échec commercial de La Belle au Bois Dormant quelques années plus tôt, mais avec une histoire riche en rebondissements et des personnages très attachants. Techniquement on retrouve le même style inauguré avec Les 101 Dalmatiens, des animations aux traits apparents grâce à la technologie Xerox ainsi que des décors relevés à l'encre. Walt Disney n'aimait pas vraiment cette nouvelle technique, bien qu'elle faisait économiser beaucoup d'argent. C'est pour cette raison que dans le prochain film, Le Livre de la Jungle, les traits seront beaucoup moins apparents et les décors auront perdus leurs touches d'encre.
Storyboard du duel par Bill Peet :