Critique Waking Sleeping Beauty
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Mardi dernier se déroulait à Paris une avant-première un peu spéciale uniquement réservée aux fans du studio au château enchanté. Dans le cadre d'un jeu concours, les sites Chronique Disney et disneypixar.fr faisaient gagner à leurs lecteurs des places pour découvrir Waking Sleeping Beauty, le documentaire de Don Hahn sur les coulisses des Walt Disney Animation Studios de 1984 à 1994. Votre serviteur a par la même occasion été invité à participer à cette projection. Ce n'est pas la première fois que ce genre de projection privée est organisé, souvenez-vous l'année dernière au mois de décembre la projection de La Princesse et la Grenouille organisée par Chronique Disney à laquelle j'avais également été convié. Je vous propose aujourd'hui de découvrir ma critique de ce documentaire passionnant sur l'envers du décor des studios Disney durant une décennie pleine de rebondissements.
Qui mieux que Don Hahn, producteur de la plupart des grands succès du studio dans les années 90 pour nous raconter cette période faste! Don Hahn est né en 1955 à Chicago. Il débute sa carrière dans le monde de l'animation à la fin des années 70 en tant qu'assistant réalisateur de Wolfgang Reitherman sur Rox et Rouky. Il travailla aussi en étroite collaboration avec Don Bluth sur Peter et Elliott le Dragon et ira même jusqu'à venir travailler dans le garage de Bluth sur Banjo, la première réalisation non Disney de l'artiste qui était sur le point de quitter les studios. Par la suite il devient directeur de production sur Taram et le Chaudron Magique et Basil, Détective Privé avant de passer producteur associé sur Qui Veut la Peau de Roger Rabbit. En 1989, Don Hahn tient pour la première fois le rôle de producteur sur le court métrage de Roger Rabbit, Bobo Bidon, avant de se voir confier la production de La Belle et la Bête. Ce film lui permit de devenir le premier producteur d'Hollywood a être nominé aux Oscars dans la catégorie meilleur film pour un film d'animation. Après ce succès phénoménal, Don Hahn enchaîne la production de deux grands films, Le Roi Lion et Le Bossu de Notre Dame, avant de passer producteur exécutif sur Kuzco, l'Empereur Mégalo. En 2000 il prend pour la première fois la casquette de réalisateur en dirigeant Steve Martin, James Earl Jones et Itzhak Perlman pour les séquences d'accueil de Fantasia 2000. Après des années au sommet, Don Hahn connaît son premier échec en tant que producteur en 2001 avec Atlantide, l'Empire Perdu. En 2003 il produit Haunted Mansion, son premier film live puis Lorenzo, court métrage d'animation nominé aux Oscars 2004. En 2006, durant la période de fusion entre Pixar et les Walt Disney Animation Studios, Don Hahn devient chef intérimaire du département animation, avant de céder sa place à John Lasseter. La même année Hahn reçoit sa deuxième nomination aux Oscars dans la catégorie meilleur court métrage d'animation pour La Petite Fille aux Allumette, projet sur lequel il était une nouvel fois producteur. On le retrouve ensuite sur le documentaire Disneynature Un Jour sur Terre où il tient le rôle de producteur exécutif, poste qu'il conservera sur Océans sorti en 2010. Après avoir réalisé Waking Sleeping Beauty Don Hahn travail sur la production de Frankenweenie, le nouveau film d'animation en stop motion de Tim Burton sorti 2012.
Waking Sleeping Beauty est un excellent documentaire pour deux raisons : la langue de bois y est banni (chose rare chez Disney) et son auteur était le mieux placé pour raconter cette folle aventure. En effet, étant "au cœur de l'action" son point de vue était d'autant plus intéressant. Le documentaire commence sur l'arrivée de la nouvelle génération d'animateurs aux studios à la fin des années 70. On y découvre les talents de demain à leurs débuts (Tim Burton, John Lasseter, Joe Ranft, John Musker et Ron Clements, etc.). Le documentaire regorge d'images d'archives encore jamais diffusé, un pur bonheur! Don Hahn a d'ailleurs eu la bonne idée de ne pas montrer à chaque fois la tête des différentes personnes interviewées, histoire de laisser le champ libre pour dévoiler toute ces images inédites. Comme dit plus haut, Waking Sleeping Beauty retrace dix années de la vie des Walt Disney Animation Studios et en parallèle met en lumière les rivalités profondes qui existaient entre les trois ténors du studio à l'époque : Roy E. Disney, Michael Eisner et Jeffrey Kaztenberg. Le premier, fils de Roy Disney, (le frère de Walt) était un véritable passionné d'animation. Michael Eisner était quant à lui un leader créatif et efficace. Quant à Jeffrey Katzenberg, c'était un lion agressif, près à mettre un grand coup de pied dans la fourmilière de l'animation Disney. Ces trois leaders charismatiques au style bien distinct se sont ainsi affronté durant près de dix ans afin de mettre en avant leur vision de l'animation Disney contemporaine. Tout commence en 1984, lorsque Roy E. Disney démissionne de son poste au sein du directoire des studios. Il affiche de ce fait son ras le bol à la direction de l'époque et son envie de revenir aux vraies valeurs chères à son oncle disparu. Il est vrai que depuis de nombreuses années déjà, le studio n'est plus que l'ombre de lui-même, devenu has been aux yeux de la nouvelle génération. C'est ainsi que quelques mois plus tard, Ron Miller, directeur des studios et gendre de Walt Disney se voit remplacé par Michael Eisner, fraîchement débauché du studio Paramount. Ce dernier amène un vent de fraîcheur aux studios et sera le premier à lui donner un coup de fouet. Son premier objectif est de redynamiser la branche film live de la compagnie. Le Label Touchstone est ainsi crée, permettant au studio de produire des films plus matures, sans arborer le logo Disney. Le premier film à sortir sous ce nouveau label sera Splash, énorme succès de l'année 1984 et première belle réussite pour Eisner.
A ses côtés se trouvait Frank Wells, dirigeant plus classique mais extrêmement efficace. Si Eisner avait été Walt Disney, Wells aurait été Roy Disney. En effet Eisner était la partie créative de la direction, la vitrine des studios, alors que Wells s'occupait de remonter financièrement la compagnie et travaillait plus dans l'ombre. Il faut dire aussi qu'Eisner avait un ego plutôt surdimensionné, ce qui laissait peu de place à son acolyte. Néanmoins Frank Wells était le catalyseur de la compagnie, il empêchait en outre aux trois pontes du studio de s'affronter perpétuellement. Sa disparition tragique en 1994 montrera d'ailleurs bien que sans lui, tout était chamboulé.
Autre nouvel arrivant au sein de la compagnie, Jeffrey Katzenberg se voit confier la direction du studio d'animation. Malgré ses lacunes dans le domaine (il venait de Paramount, tout comme Eisner), Katzenberg saura pousser les artistes dans leur derniers retranchements et permettre au studio de renouer avec le succès. Pour autant il était loin d'être populaire au sein du studio. Très énergique et réactif, Katzenberg modifiera totalement le système d'organisation du studio d'animation afin de lui redonner souplesse et dynamisme. Ce fut un choc pour les artistes qui étaient habitué à recevoir des ordres de vieux messieurs en gilet (les vétérans du studio) et qui se retrouvaient désormais à devoir se justifier devant cet homme très agressif qui parlait fort et n'hésitait pas à dire ce qu'il pensait. Autre gros problème pour les animateurs, ils se virent confisqué leurs locaux historiques construits par Walt Disney et transféré à Glendale dans des bâtiments en pré fabriqué. Mais ce fut un mal pour un bien. Loin de la nouvelle direction resté à Burbank, les artistes se sentirent libérés et étaient prêt à montrer qu'ils méritaient leur place au sein de la compagnie. C'est donc dans ces bâtiments plus que sommaires que furent réalisé les chef d'œuvres qui redoreront le blason du studio : La Petite Sirène, La Belle et la Bête, Aladdin et Le Roi Lion. En 1994, après la mort de Frank Wells dans un tragique accident d'hélicoptère, la rivalité entre Roy E. Disney, Michael Eisner et Jeffrey Katzenberg était au plus haut. Ce dernier se mettait de plus en plus sur le devant de la scène, apparaissant dans de multiples émissions TV pour faire la promotion des productions maison. Mais ce fut assez pour la direction de la compagnie qui décida de l'évincer, malgré tout ce qu'il avait fait pour le studio d'animation durant ces dix dernières années. Ce fut certainement un des plus grosses erreurs de la direction qui, sans le savoir, aidera à la création de son futur concurrent Dreamworks Animation dont Jeffrey Katzenberg sera le PDG...
Riche en infos et images inédites, Waking Sleeping Beauty est un documentaire que tout fan de Disney ou même de cinéma se doit de voir, pour mieux comprendre ce qui fit d'un studio vieillissant au début des années 80 une véritable usine à chef-d'œuvre (qui a dit à argent?) dix ans plus tard. Le film sortira sur nos écrans le 6 octobre prochain, sur Paris et quelques villes de province dont les noms ne sont pas encore connus. Alors n'hésitez pas à vous renseigner auprès de vos cinémas, ce serait dommage de manquer un tel film!